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Augmentation de la taxe sur les billets d’avion en France : une victoire, mais on reste loin du compte
25 Mar, 2025

La taxe de solidarité sur les billets d’avion (TSBA) et son nouveau barème sont entrés en vigueur le 1er mars 2025. La bonne nouvelle, c’est que la taxe augmente et que les clients des compagnies de jets privés sont enfin nettement plus taxés que les autres. La mauvaise, c’est que son montant reste bien inférieur à ce qui serait nécessaire pour faire décroître le trafic, seul moyen pour le transport aérien de répondre à l’urgence climatique.

Après de nombreux atermoiements et rebondissements, la majoration de la taxe de solidarité sur les billets d’avion (TSBA) a enfin été entérinée par le Parlement lors du vote du budget 2025 le 6 février dernier. Ce n’était pas gagné, après l’intense lobbying du secteur contre la mesure ! Le nouveau barème devrait faire entrer 800 millions d’euros supplémentaires par an dans les caisses de l’État, dont 100 millions pour l’aviation d’affaires (les jets “privés”). Ces nouvelles recettes viennent s’ajouter aux 480 millions précédemment collectés.

Barème de la taxe de solidarité sur les billets d’avion (TSBA) au 1er mars 2025
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Barème de la taxe de solidarité sur les billets d’avion (TSBA) au 1er mars 2025

 

Plusieurs motifs de satisfaction …

En l’absence de taxe kérosène permettant de taxer au plus juste les émissions de CO2, la nouvelle mouture de la TSBA prévoit des modulations supplémentaires qui atténuent un peu sa rigidité :

  • les vols long-courriers (> 5500 km) font désormais l’objet d’une taxation différenciée, nettement supérieure à celle des moyen-courriers ;
  • l’aviation d’affaire commerciale (“jets privés”) fait enfin l’objet d’une taxation spécifique conséquente, bien que non prohibitive pour cette clientèle.

Enfin, toutes les catégories augmentent. Mais il aura fallu attendre 5 ans ! La précédente augmentation de la TSBA date en effet du 1er janvier 2020, date à laquelle une éco-contribution était venue s’ajouter à la taxe créée par Jacques Chirac en 2006 pour financer Unitaid, une organisation internationale d’achats de médicaments.

 

… mais loin des attentes de la Convention citoyenne pour le climat, et même de l’objectif de la loi Climat

Peu de temps après, le 21 juin 2020, la Convention citoyenne pour le climat (CCC) estimait dans ses conclusions que le montant de l’éco-contribution est « bien trop faible pour avoir un effet dissuasif. » Et elle proposait de l’augmenter substantiellement afin de « mieux refléter les dommages environnementaux générés par l’aviation. »

Comme la plupart des autres mesures préconisées par la CCC dans le domaine du transport aérien (et dans les autres), l’augmentation de l’éco-contribution n’a pas été reprise « sans filtre » par la loi Climat et résilience du 22 août 2021. La loi se contente de fixer un objectif pour 2025 (Article 142) :

Afin de contribuer efficacement à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, l’État se fixe pour objectif que le transport aérien s’acquitte, à partir de 2025, d’un prix du carbone au moins équivalent au prix moyen constaté sur le marché du carbone pertinent, en privilégiant la mise en place d’un dispositif européen.

Sachant que les émissions de CO2 de l’aviation commerciale tourneront autour de 24 millions de tonnes de CO2 en 2025 et que la tonne de CO2 vaut actuellement environ 75 euros, le secteur doit s’acquitter de 1,8 milliards d’euros. Le compte n’y est pas ! Il manque environ 700 millions si on intègre le cadeau aux compagnies aériennes, estimé à 150-200 M€, qui prévoit de leur rembourser la moitié du différentiel de prix entre kérosène et carburants “durables” pour les vols extra-européens [1].

 

Nos voisins font plus !

Dans son lobbying contre l’augmentation de la TSBA, le secteur aérien a agité l’épouvantail de la perte de compétitivité de nos aéroports et sa conséquence sur l’emploi. C’est un argument fallacieux, les pays hébergeant les principaux hubs européens ont aujourd’hui des barèmes plus élevés, en particulier le Royaume-Uni, qui a par ailleurs défini une trajectoire d’augmentation sur plusieurs années, permettant à la profession d’anticiper [2].

Montant de la taxe sur les billets d’avion en classe économique dans les pays hébergeant les 4 principaux aéroports européens
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Montant de la taxe sur les billets d’avion en classe économique dans les pays hébergeant les 4 principaux aéroports européens

Même s’il a réussi à faire raboter le montant de la taxe sur les vols intra-européens ainsi que sur les jets privés [4], et obtenu des contreparties, le lobby aérien n’a rien pu faire contre la nécessité de renflouer les caisses de l’État. Il s’est également heurté à la détermination du Réseau action climat (RAC) et de Transport & Environnement (T&E), ainsi qu’à la mobilisation orchestrée par Camille Étienne pour réclamer le retour d’une mesure déjà inscrite au Projet de loi finances 2024 mais finalement abandonnée au profit d’une taxe sur les autoroutes et les aéroports.

 

La lutte continue sur tous les fronts

Bien que le développement de nouvelles technologies et de nouveaux carburants puisse se révéler utile, cela ne doit pas être un alibi pour remettre à plus tard les réductions d’émissions indispensables pour atténuer la crise climatique. La seule manière de réduire dès maintenant les émissions du secteur aérien est de limiter les voyages en avion. Pour cela, il faut continuer à renchérir le prix des billets de manière la plus juste possible, en commençant par mettre fin aux exemptions de taxes dont bénéficie le secteur. Il faut aussi stopper les extensions d’aéroports et les plafonner à la baisse, améliorer l’offre de transports alternatifs, relocaliser le tourisme, réduire les vols professionnels, bannir les vols futiles… Les solutions ne manquent pas !

[1] La TSBA rapportait 480 M€. Avec les recettes supplémentaires, on devrait arriver à 1280 millions en année pleine. En soustrayant le cadeau de 150 à 200 M€ aux compagnies aériennes, on tombe à environ 1,1 milliards net.

[2] Barème Air Passenger Duty (Royaume-Uni) au 1er avril 2025
https://www.gov.uk/government/publications/changes-to-air-passenger-duty-rates-from-1-april-2025/air-passenger-duty-rates-from-1-april-2025-to-31-march-2026

[3] Barème Luftverkehrssteuergesetz (Allemagne) : https://www.zoll.de/EN/Businesses/Aviation-tax/Taxation-principles/Tax-rates/tax-rates.html

[4 ] Dans une première mouture adoptée le 8 novembre 2024 sous le gouvernement Barnier, le montant de la taxe sur les vols intra-européens en classe éco avait été fixé à 9,50 €. Il a finalement été ramené à 7,40 €. Le barème applicable aux jets privés a également subi un sort similaire.

En savoir plus : Wikipedia : Taxe de solidarité sur les billets d’avion